vendredi 13 janvier 2017


Valérie Cardinal



L’incertaine lumière de la nuit






Vermeer




Lettres d’amour





Grand silence.

Intérieur. « La liseuse à la fenêtre ». Vermeer.

Lumière,

Flux de clarté dans la pièce où se tient une jeune femme debout lisant une lettre.
Une lettre d’amour.

Lumière,
Messagère d’infini douceurs et  langueurs dans le monde clos de l’intime.

Couleurs,
Tentures, tapis, fenêtre à vitrail, coussins, fruits, tissus, cheveux, velours brodés, robe de satin.

Silence,
Visage de profil, face offerte, nue.
La peau du coeur, des mains et des lèvres.
Reflet penché sur la lettre.
Feuille tremblante.
Mots éblouis de lumière.
Murmure du silence dans les yeux de la liseuse.
Mots de l’amant absent.
Mots du peintre.

L’ailleurs effleure l’ici dans un immobile mouvement.
L’ailleurs désarme, emmène le regard à la dérive.

La femme dialogue avec l’invisible, traces d’infini sur le tableau de Vermeer.
Pas de signe d’encre couleur.
Simple reflet dans la fenêtre, écho du jour, oubli des nuits d’amour.


Colloque secret.
Clair-obscur.

Point de noir.

Lettre d’amour ou lettre de rupture ?
Elle dort, il ne faut pas la réveiller. Elle dort la liseuse aux yeux baissés.

Elle veille, elle aime, elle doute, elle attend, elle n’attend rien, elle songe, elle pressent, elle ne sait plus rien, elle est, elle meurt, elle dérive dans l’instant, elle sombre dans la lumière, elle est éblouie, elle est dans la nuit.


L’incertaine lumière de la nuit.

Nuit 

Le tableau comme récit d’une crise.
Discussion avec soi-même.
Pas de mail, pas de téléphone.
Lettre privée.

Amour inavouable. Adultère.
Et chaque minute, chaque détail de vie ingénieusement peint révélé
au regard curieux.

Exposé au Musée.
C’est donc un tableau.

Espace clos.
Sans lui.
Elle seule.
Elle a reçu la lettre du Peintre, du Maître.
Monsieur.
Ainsi il veut rompre. Les noeuds dénoués.
La liberté des vies.
…il est marié, le peintre.


Pas de scandale.
Très froid.
Elle auréolée de silence
Dans octobre rouge. Lumineux.

Les plaisirs cachés.
Monsieur peint dans son atelier des femmes.
On se demande bien pourquoi.
Il travaille beaucoup.
La raison reste obscure.
Et, elle, elle attend de loin. De haut. Du semblant d’amour. 

Elle ne sait plus où elle en est.
Disons, qu’il fait beau et qu’elle lit une lettre.
Que la lumière d’un ciel jaune fixe et illumine.
Le décor intérieur scintille d’une extrême merveille.


C’est une scène d’intérieur.
Intime.
Un dialogue entre elle et elle.
Monsieur a écrit. On le sait. Ou elle se parle à elle-même.

Voici la Belle du Seigneur.
Attente, attente dès le matin et tout le long de la journée, attente des heures du soir.
Savoir qu’elle  va le voir à six heures et c’est déjà du bonheur.

Aussitôt réveillée, elle court ouvrir les rideaux et voir le ciel qu’il fait. 
Oui, il fait beau, et ce soir il y aura des étoiles pour eux.
Il va venir et la prendre par la main pour la guider vers sa chambre ou son atelier. 
Parfois, elle referme les rideaux, ferme la porte à clef. Rien du dehors.
Pour ne pas être dérangée.
Dans l’obscurité et le silence, assise ou couchée, elle ferme les yeux pour se raconter ce qui va se passer ce soir, demain et après-demain.
Blottie, ramassée, elle se caresse sans lui.

Parfois, avant de se lever elle chante tout bas, tout bas pour ne pas être entendue. Ou encore elle parle à son père mort, lui dit son bonheur et lui demande de bénir son amour.

Ou encore, elle écrit le nom de l’aimé sur un livre, avec sa plume, dix fois, vingt fois. Et elle regarde ses dessins, ses tableaux. 
Assez!
C’est ridicule, je suis amoureuse !
Bien sûr, elle sait qu’elle est idiote, mais c’est exquis d’être idiote, toute seule, en liberté.
C’est le grand amour
L’embarquement pour Cythère ou une comédie, 
une partie de colin-maillard improvisée. 
Il s’agit d’errer sur cette ligne périlleuse.
Divaguer du vrai vers le non vrai vers le faux.
Aller-retour.
Amour-rupture.

Près des larmes.
Que faut-il faire ?
Rire ou pleurer ?

Nuit
Silence

Patience et songe de lumière.

Entretenir cet espace sexuel absent.
Monsieur le Peintre.
Ni bonjour, ni bonsoir.
Ce qui est une manière d’être libre.
Liberté des politesses acquises, apprises.

Forteresse de silence. Dressée autour de la femme.
Invisible. Grand silence.
Visage fermé, secret.
Elle n’adresse la parole à personne.
Elle se tait.
Car elle est une ombre sur le tableau. 

Avant, il l’aimait.
Et
Maintenant
Il ne l’aime plus.
L’évidence du « ne l’aime plus » se lit en 
lettres lumineuses.
devant son visage se reflétant dans les miroirs, sur les vitres, les verres, les perles et le front, les ongles et les lèvres, la peau des fruits, la peau du coeur.
Tant de resserrement et de silence mêlés.

Il ne l’aime plus.
Chant du visible d’une voix claire et obsédante.

A moins que…

Et tout recommence.
Elle, gracieuse, guillerette, lit sa lettre.
L’amour n’est pas si loin, pas si vieux.
Entre eux, un jour où le soleil s’écoule.

Voilà, toute l’histoire.
De grâce… du sexe.

Vie privée.

Monsieur propose, Madame dispose.
Coucher avec des femmes est son programme spirituel entre deux 
tableaux.
Trop honorée de donner un moment de plaisir au Maître. 
Homme élégant à ses heures.
-Je vous offrirai un dessin.

Quelle nuit d’amour en perspective.
Et
Rien…
Il s’enfuit.

Sans mélodrame. Sans cri.
Madame, très calme.
Sans crise, raisonnable.
Intelligente peut-être.
Pour reconquérir la vie.
Sa vie qui lui échappe.
L’Amour perdu.

il parait que cela va s’arranger.
Non
C’est sans arrangement
car 
c’est le grand amour.

Elle, l’autre, l’épouse, l’officielle.
Elle ennuie Monsieur.

Monsieur tient énormément à sa petite affaire, sa famille d’apparat.
Dite : de coeur.

Donc, séparation ou aliénation.

L’incertaine lumière de la nuit…

Le bonheur

Imprévisible. Imprévu. Surprenant. Inimaginable.
Qui s’impose. 
En dehors de la volonté.
Surprise dans l’obscurité profonde.
Surprise heureuse, jamais rêvée.

Le bonheur après le désespoir.
Eclairage neuf,
Lumière.

Merveille. Merveille de tout partager avec lui, de lui faire offrande du plus secret.
Merveille de le sentir frère de l’âme.
Oui, merveille de rire ensemble.

Plaisir de le voir peindre et de l’admirer après l’ardeur des baisers.

Nuits des débuts avec ses caresses et ses rythmes sans trêve.

Exaltation au goût admirable, aimantes fureurs.

Ne me quitte pas, ne me quitte pas implore la voix dorée.

Monsieur, Maître adoré sourit.

Elle ferme les yeux pour le revoir. C’est son temps de bonheur, le temps de bonheur d’une future morte.
Oh ! Si seulement 
Vous pouviez vous embraser
D’un feu tout pareil
A celui que nous suggère 
La fin proche de la vie.

Court est le printemps
Qu’y a-t-il dans la vie
Qui soit immortel ?
Et j’autorisai votre main
Sur la rondeur de mes seins.
Femme amoureuse
Qui rassemble ses couleurs
Dans un coin de chambre
Mon printemps est-il celui
D’un peintre âgé ?

Vous et moi ce jour
En mesure de nous revoir
A l’ombre des regards
Sachez donc ne pas haïr
Le choix du bon moment
Pour mon plaisir.

Si de mon poème
Né dans un moment d’ivresse
L’encre me manquait
Alors il disparaitrait
Alors la mort.
O naïve ne prends pas 
Pour messages éternels
Les mots du regret
Les silences de l’amant
L’errance de ton imagination.

Non je ne peux pas 
M’habituer à cette absence
Cachant votre visage
Permettez-moi au printemps
De choisir un autre amant.

Que puis-je porter 
A ma bouche en feu maintenant
Ma langue à fleur
Que vous aviez goûté
A complètement séchée.

Mon voeu le plus cher
Serait d’enduire les lèvres
Des femmes
En recherche de votre amour
D’un miel au poison fatal.

En vous aimant je jouis
Ne m’obligez pas à écrire
Les mots du plaisir
Au revers de votre absence
Votre vie compliquée !

Ensemble tous deux
Nous vîmes chacun l’image
De la beauté
Dans ce tableau
Dessiné par votre main.

Avoir concédé
Tant d’amour aux femmes
Votre main tremble
S’abime-t-elle dans le regret ?
Le vent dessèche mon visage.

Et soudain
Les fleurs perdirent couleurs
A l’heure du printemps
Pour laisser place à l’abandon
Le doute et le désarroi.

Pour vous punir
De vos nombreuses disparitions
M’a été donnée
Cette envie d’écrire l’amour
Et ces brefs poèmes.

Doucement il passe
Mais une fois passé le temps
il a disparu
Tandis que votre main me caresse
Le soir s’éloigne tristement.

Rêve de bonheur
Que cet air de printemps
A peindre au matin
Dans la lumière de vos couleurs
Pour celle qui reste.

Amour naissant
Vois donc cette femme
Qui lit
Les mots de cet homme
Dont elle ne sait que penser.

En conviendrez-vous ?
A la lumière du jour
Trop longues ces absences
Et trop contemplatives aussi
Vous et moi sans un mot.

Comme un don du ciel
Lumières
Des instants volés
Me permettez-vous d’en faire
Un recueil de poésie ?
Lisez mes mots !
Entendez mes soupirs
Dans votre alcôve
Peignez votre chef d’oeuvre
Inconnu.

Sous un ciel de printemps
Passer une journée sans aucun rendez-vous
Qu’aurait-elle donc manqué ?
Elle se fera belle pour lui plaire
elle se baignera de lumière
et bientôt ce sera l’heure.

Rêve de
ballade de l’impossible
En noir et blanc.

Couleur sans la dire
fait rêver de vastitude
en silence.
Elle s’endort presque
avec des murmures d’or
et de soleil.

Petit pan du ciel
sur la lettre adorée
Lumière.


Amour
Petit mot
à semer.

Bouges-toi !
L'amour est une catastrophe
magnifique.

Autant 
en emporte la lumière
du jour
je te regarde partir encore
plus loin, plus longtemps.

Si, sans vous voir
cette nuit devait s'écouler
Aussi longtemps 
que dure le jour au printemps
je songerais que vous êtes cruel.

Amour naissant
A fleur de peau un cœur
qui bat.

Qui donc à l'amour
A pu donner
ton nom ?
Tu aurais pu t'appeler
Tout simplement partir.

Partout
Autour de nous, en nous
cet amour
J'aime visiter ce lieu
qui vous ressemble tellement.

Particules de lumière
Morceaux du ciel tombés
sur terre.

Un pétale de cerisier
deux pétales
sans fin je pense à vous.

Ici
reste le secret de mon âme
Toujours, encore.

De cœur en cœur
De lèvre en lèvre
De vie en vie.

Tombée de la nuit
j'aime ce jour qui meurt
Poussières d'un désir.

Quand vous ne serez plus
de ce monde, mais dans
l'au-delà
Pour me souvenir
Maintenant ce jour même
Je voudrais vous toucher.

Le reflet murmure que le visible est toujours ourlé d’absence d’échos insoupçonné, de mouvantes lueurs ; qu’il est creusé, hanté de profonds lointains.
Les tableaux de Vermeer multiplient les reflets dans le silence, un jeu muet de lumière et d’ombre qui fascine.
Dialogue avec l’intime, avec l’invisible, avec soi.
Dialogue avec l’autre, l’absent, la beauté et l’idéal.
Dialogue entre le temporel et l’éternité.

Lettres d’amour, mots de l’absent, perdus dans le silence.
Attente patiente. Du jour
de retour.
Le retour du capricieux fiancé
Du chéri inaccessible.
Double rêve
L’absence et l’inaccessible.
Farces des heures lentes.
Instants fugaces.
Hélas.
Pas d’amour 
Rien.
Calme plat.
Vie linéaire.

Madame et Monsieur. Don Quichotte. En guerre contre les moulins à vent.
Mirage.
Dans le désert et la lumière sans fin. 
A vent de rêve.
Le rêve de l’obsession.
Vermeer.
Lumière.

Et la nuit prolongée. La nuit double. Longue glacée.
Nuit joyeuse du retour.

Nuit sans égale. Nuit d’amour pictural.
Cette belle lumière de la nuit. Visible.
Sensible.
Ils sont donc amoureux. 
A nouveau.


Chère Madame,

Tout est sorti de ma main ces derniers jours, qu’il s’agisse de peinture, de dessin ou d’écriture. 
Je réponds enfin à votre lettre.
Pourquoi suis-je resté loin de vous ? Vous devez croire que je fais la mauvaise tête.
En réalité, je tâche de résister à toutes les agressions et tentations de la vie. 
J’aspire à tout connaitre, à tout vivre ; pour y parvenir il faut que je sois seul.
Je n’ai pas le droit de me laisser aimer par vous, je dois être dur.
D’ores et déjà, je suis arrivé à peindre ce tableau « La jeune fille à la perle » sans ombre.
Le commanditaire l’a acquis avec joie. C’est un homme pieux qui a le sens de l’art et du divin.
Plus que toujours, je  peins la lumière qui émane de tous les objets et de tous les corps.
Je travaille sans trêve ni relâche.
Mes tableaux sont achetés à des sommes très élevées et j’en suis ravi.
Pourtant, chère amie, j’ai rêvé de vous, de votre regard magnifique, intense, passionné…
Celui-ci a pénétré mes barrières défensives.
Vous entrez en moi car vous connaissez la moindre parcelle de mon âme et de mon Art.

J’ai rêvé de vous.
Vous veniez me rejoindre dans mon atelier.
Vous laissiez glisser votre robe de satin et vos velours bleus, doucement, sans faire de bruit.
J’étais là, à vous regarder les yeux clos, la respiration courte, vous deviez rêver aussi dans la lumière du jour…
J’imaginais vos mains douces, cherchant les instants de jouissance que je vous aurais abandonnés.
J’ai reconnu votre regard de feu, de braise, ce volcan de passion qui bouillonne en vous. 
Cette douceur interminable me laissait seul, épuisé.
Mon cœur s’était endurci, barricadé à l’intérieur de moi, me voici pris dans la confusion des sentiments.
Deux âmes en perdition, en quête d’un amour improbable.
Je suis désolé, chère amie de ne pas avoir répondu à votre lettre plus tôt. 
Il me sera si doux de vous revoir.
Je suis votre ami, amant, votre double, votre seigneur pour la vie.
Je vous embrasse.

Lui




Le plus souvent, elle résistait à la tentation, savait qu’à trop lire une lettre, on l’abimait, on ne la sentait plus.
Belle du Seigneur (1968)
Albert Cohen.


Monsieur,

La lettre que j’ai entre les mains n’est pas un hasard. 
Quand j’ai reconnu votre écriture sur l’enveloppe, j’ai eu le coeur serré comme par une griffe.
Avec votre permission, je vais venir vous voir peindre demain matin.
Je porterai la robe que vous aimez tant et mes perles. Blanches.
Je vais retrouver la joie et  le bonheur qui m’avait échappé. 
La nuit, je dors toute nue pour me faire croire que vous êtes là mais quand je me réveille, ce n’est plus la même chose.
Je vous embrasse.

Elle


Lumière.

En somme, rien n’était perdu.
La vie était faite de hauts et de bas. Les impressions étaient passagères.
Il s’agissait seulement d’effacer la mauvaise impression, de la remplacer par une bonne, de reconquérir son estime.

Belle du Seigneur (1968)
Albert Cohen.


Jeu de mémoire




Née de père amoureux mais pas officiel, elle a découvert l’amour un peu tard, 
sans s’offrir au tout venant.
Heureusement.

D’aventure en aventure, 
Elle 
s’excite
s’énerve
dramatise
gesticule

Incohérence des amitiés
ambigües
érotiques 
artistiques, 
Elle a gardé ses distances avec le lien du mariage qui enferme et aliène.



Elle vit des histoires. Sans fin.
Eternel recommencement.

Dans le désordre.
Entre cet ordre.
Aimer une fois.
Aimer un seul homme.
Monocoeur contre-nature.

Est-ce l’Amour ?
Ni l’amour.
Ni l’amour physique.
Très quelconque.
Histoire de non-amour.


Aimer c’est souffrir. Non ?

Des mots fous. Ronde infernale. Des mots éclatés.
Il l’a eue. Il ne l’a pas eue. Il l’aura. Il va pas l’avoir. Il l’a plu. 
il veut lui plaire. Il la veut. Ca va se faire.

On ne sait qui. 
On ne sait où. 
On ne sait quand.

Bref:

-Rencontre
-Conversation
-Séduction
-Langueur et attente
-Sexe.
-Grand vide. A nouveau.

Amour.
Vite.
Express.
Rapide. 
Elle est pressée.
A défaut d’un Homme, Lui.
A défaut de Lui, un Homme.

C’est pas sérieux.
Juste des amours de passage qui lui donnent envie
d’écrire.

Diversions.
Dissidence de l’esprit.
Encore un peu. Elle prend le rêve pour la réalité

Elle raconte des histoires, elle sait faire.
Son jardin secret. INTIME. 

Aller au Musée. Voir des Peintures.

Vermeer, « Femme écrivant » . Vers Mère.

Lettre à mère,

MOI, JE

Chère mère,
Paroles, agitations, confidences.
Visite du dimanche.

On se dit tout.
Toujours.


Passons aux choses sérieuses
parce que :

AMOUR

Si longuement
si tendrement
amoureusement

Plus de flâneries.
Finis
Les sentiers compliqués,
la pensée labyrinthe,
les histoires en méandre,
la nouvelle paresseuse.
Elle cesse de muser.

LUI

C’est lui.
Ce n’est pas un autre.
Elle n’en aime pas un autre.
Alors 
Elle écrit ce qui lui arrive.

VITE     VITE       VITE

Avant de 
vieillir
pourrir
moisir
flétrir
mourir

CARPE DIEM

Passage

Le grand amour. Le grand bonheur. Incomplets
Sans la fièvre de la jalousie;
Impression simple.

Amour. Désir. Jalousie. Rupture.
Ligne immobile sur le tableau. Mots sans échos.
Sans distinction.
Dans le flou.
Entre le bonheur (la relation ) et le malheur (la rupture).
Madame, sûre d’elle envoie une lettre d’adieu.
  • J’ai le droit dit Madame.
C’est son droit.
Elle ne veut plus coucher avec Monsieur.
  • Où est l’erreur ?
Il ne faut pas la croire, elle ne veut pas rompre.
La compétition est ouverte.
Jalousie. Envie. Mensonge.
Tout est permis.
Il n’aime pas qu’on s’immisce dans ses affaires personnelles.
Qui ?
Occupera la place d’honneur ?
Pour les lumières du bonheur ?
Vodka !
Champagne !
Rires et baisers.
Grincheux, il ne veut pas choisir.
On sait. Pour finir. Qui prendra la place. A la tête de la fête.
Monsieur n’est pas amoureux.
Rien ne l’étonne. Il y a toujours une autre.
Ou deux. Ou trois.
Autres.
Peu importe.

Vodka et champagne épuisé.
fatigue de l’ivresse.
Et elle 
Silencieuse légère étrangère
Madame n’est pas invitée au cocktail-vernissage.
Avec Monsieur, le Maître.
Pas de scandale.
Putain. Elle est sa maîtresse. 
Il est un mari. Encore un mari.
Pas d’hystérie. D’ivresse.
Impossible infidélité.
Monsieur partie  sans laisser d’adresse. Sans téléphone.
Incognito.
Très correct….
La beauté, il s’en fout !
Morale de l’histoire :
Elle est libre.
Tout le bonheur dehors, dedans, devant.
Au volant. Avec le permis de conduire.
Démarrages et pétarades. 
Sur la route.
Roman passionnant.
Elle a gagné sa liberté
Fin de l’histoire

Vie privée


J’ai voulu l’oublier cet homme. L’oublier vraiment.
C’est à dire ne plus avoir envie d’écrire sur lui.
Ne plus penser à mon désir, ma passion, mon orgueil et mon manque.
Je n’y suis pas parvenue.

J’avance dans l’écriture.
Il ne me vient pas à l’esprit que cela aurait pu être écrit autrement.

Plus j’écris et plus son visage s’efface sur la page blanche.

Lettre d’intention : 
Etre libérée de l’attente et de l’absence.
Explorer la réalité de ce qui arrive, au moment où ça arrive.
Laisser le passé sans regret.

Ne rien lisser. 

J’ai tapé le nom de V sur Google, ses dessins sont bien là.

Son visage est public.

Regard perçant, lèvres pincées. Très froid.

J’ai eu un amant et j’ai été un objet sexuel. Pure aliénation, illusion ridicule.

Je n’ai plus de nouvelle de lui depuis un moment précis de mai.
Mes lettres et messages demeurent sans réponse. Rien.
Je ne le vois plus. 

C’est l’été et il est parti à Malte.

Il ne me reste plus que ses dessins.
 Dans ma chambre, un portrait de femme et un rapace encadrés.
C’est tout lui. Je le vois.

Il a traité le sujet avec beaucoup de précision, sans repentir.
Rien ne dépasse, rien ne bouge.
Tout est figé dans un grand silence blanc.
Comme sa vie.

Paysages, visages, mains, nus, animaux, natures mortes…

Contemplation.

Mon oeil écoute.

Harmonie en gris et blanc, autour d’un trait d’argent. 
Voici la fleur, tulipe, iris, rose, violette.
Voilà la femme, nue, de dos, de profil, assise, couchée 
qui n’existe pas.

Et tout autour cet espace, clair et épargné.

Visages, yeux, lèvres 
caressées du regard.
Innocents, 
fous 
d’un autre temps.

Lucidité, si vive, si aiguisée qu’elle décèle de l’étrange dans le familier.

Pommes, poires et formes oblongs qui se font désir, volonté de tenir.

Oiseau, rongeur, guépard tortue, lézard, singe, chien, cheval, lapin, écrevisse, 
écureuil, rat, chat.

Etonnement.

Et ses mains…sans âme, sans coeur.

Mon oeil écoute.

« Chanter en vérité est un autre souffle. Un souffle autour de rien. Un vol de Dieu.
Un vent. » 

Sylvie Germain.

J’entre dans ces dessins comme dans une vie antérieure. 
Pas par politesse ou obligation.

J’entre dans un monde de beauté, de bonté et  de lumière.

Merveille absolue. 
Sans masque. 
Sans âge.

Ici,la jouissance esthétique est une énigme, une énergie.
La beauté, un message à garder en mémoire.
En cas, de grande solitude.

Parfaitement.

Il lui manque quelque chose. Le mal, sans doute.
Cet élément qui donne de la puissance.
Le mal détruit la femme.

Un tableau, un roman.
« Le Maître et Marguerite », «  les Fleurs du mal ».
Mais cette immortelle fleur du beau est d’une fragilité extrême, 

Le Maître a disparu.
Oui, oui !

Il se cache peut-être pour mourir.
Mourir d’amour.

Mon oeil écoute.

Portraits,visages, aristos et compagnie.
La beauté, elle ne change pas, car elle est au centre, elle est toujours la même.
Il dessine la beauté qu’il voit.
Le feu qui brûle, le feu qu’il allume à Paris, à New York, sur la lune!

Pour moi, il faudra attendre un peu.
Bon, j’oublie.

Peintre ou reporteur de choses divines.
Il ne faut pas trop l’approcher !

Il peint des visages messages qui disent qu’il y a un autre monde.

Il a failli devenir écrivain mais il n’aime pas les anecdotes.
Du spirituel dans l’art seulement.
Et un peu de cuisine.
La pointe d’argent, c’est une technique très ancienne. Il fixe la pointe à un support et s’en sert comme un crayon. Tout ce qu’on voit sur le dessin, c’est de l’argent et non du graphite. L’argent s’oxyde. Il termine son dessin à l’aquarelle.
Ils achète les minerais et les broient, les transforme en poudre. 
Il expérimente des recettes du Libro del Arte de Cennini. Des couleurs rares et précieuses.
Il peint sur différents supports, du verre, du marbre, du parchemin.
Patience et persévérance.
Sa vie de peintre est un long fleuve tranquille.
Hélas !

Simplement, j’ai eu la chance de rencontrer cet homme à l’automne de sa vie.

En définitive, ce qui compte, ce n’est pas ce qui arrive, c’est ce qu’on fait de ce qui arrive.

Il n’y a qu’une chose qui compte pour moi, saisir la vie, le temps, écrire et aimer.

En vérité, cet homme a donné un sens à ma vie. 
Une possibilité d’écriture.


                                                                                                                          
 
Copyright déposé : 28 juin 2016
Valérie Corvino/ Cardinal